William Ropp présente une sélection d’une vingtaine de photographies ponctuant 20 années de travail. De l’obscurité révélatrice du studio aux vastes étendues africaines, en passant par les villages du Mexique, ici, ailleurs, partout, il détaille les fils d’une obsession pour l’homme dépouillé de ses artifices, pour la chair sombre et difforme du désir, pour l’enfance inquiète ou solaire. Aujourd’hui, après des années consacrées au noir et blanc, William Ropp opte pour la couleur dans des portraits où la pause comme la technique sont inspirées par la peinture classique.
La scénographie particulière des images de William Ropp, provient, à l’origine, du théâtre où il a fait ses premières armes avant de co-fonder la compagnie “Théâtre X”. Cette expérience de direction d’acteur acquise, le sujet, dans son univers, est alors guidé de l’obscurité vers lui-même, un autre lui, un possible. La photographie intervient comme une machine à capter les rêves, à prendre en compte une autre réalité.
À partir de 1988, il opte pour le noir et blanc et photographie des corps dans des miroirs déformants afin de prolonger un certain malentendu sur la posture. Ces photographies, nourrissant un goût pour le paradoxe en saisissant de manière mécanique un surréalisme pur, connaissent rapidement le succès. Débute alors une série de publications de livres, dix au total aujourd’hui.
En 1993, il s’intéresse aux attitudes non maîtrisées des êtres humains, en les plongeant dans le noir du studio pour mieux les révéler, en les peignant doucement, d’un faisceau de lumière léchant leurs contours. Grâce à ce procédé de dévoilement, l’intrusion de la lumière provoque l’accident de la forme. William Ropp fait alors peser son regard sur les défauts de la peau, les creux, les pleins, les aspérités de la matière. Il modifie les structures du corps et des visages, comme pour aller au bout d’un projet de la nature sans cesse contrarié par la volonté de paraître. Ses photographies cherchent ce moment rare du relâchement de l’individu dans sa lutte contre lui- même et le monde.
Sur un coup de tête, en 2007, il rompt momentanément avec le studio qu’il déporte dans la nature africaine, pour saisir le rêve, l’incarnation animiste d’enfants de la nature. Seul, en tête à tête avec ces enfants d’ailleurs, William Ropp créée un série imprégnée d’un onirisme puissant, sans autre définition que le rêve et l’instant propre à chacun de ses enfants, fruits du paysage. William Ropp passe alors à l’enseignement qu’il affectionne particulièrement, via une longue série de workshops notamment en Norvège.
Aujourd’hui, son travail s’oriente vers la couleur, “seulement depuis qu’elle devenue totalement maîtrisable” dit-il. Cette nouvelle étape, initiée en 2010, se focalise sur les mêmes thèmes mais revisités par une pause inspirée des tableaux classiques. William Ropp cherche à confronter l’hyperréalisme de la photographie aux ombres sculpturales de la peinture. De ces images, dont on ne peut plus lire l’apport dominant, il ressort des personnages déifiés, magnifiés, d’autres embaumés. Cette petite fille aux yeux glauques interrogatifs, par exemple, posant fat dans une robe du 19e, prise en photographie couleur dans un cadre classique. Est-ce un regard ironique de la part du photographe ? Trop d’affection dans le regard de William Ropp, qui a toujours puisé dans les autres arts pour créer sa photographie propre. Il semble cette fois, s’être réapproprié un concept auquel il devait logiquement aboutir. Avec cette série photographique, couleur, se révèle de l’écho du temps, des techniques successives, tout simplement, de la toile de maître.
L’exposition est organisée en coproduction avec le Musée de la Photographie de Charleroi et avec le soutien de la Galerie Ellen K Fine Art Photography, Oslo.