Travaillant entre la France et le Liban, Catherine Cattaruzza s’intéresse aux lignes de failles, aux identités brisées, aux mémoires blessées.
Réalisé au moyen de pellicules périmées, I Am Folding the Land (Je Plie la Terre) est un travail rendant compte avec beaucoup de grâce et de mystère d’un pays parcouru de tensions sismiques, métaphorisant une situation politique inquiète, bouleversée, explosive.
Il ne s’agit pas de discourir, mais de montrer la puissance d’un feu intérieur, aussi beau que ravageur.
Dans un texte introductif, la poétesse, essayiste et traductrice japonaise Ryoko Sekiguchi précise : « Comme les habitants de Los Angeles ou de Tokyo, les Libanais attendent toujours, la peur au ventre, The Big One. »
On ne verra bientôt plus rien.
Le paysage est un palais palermitain que le soleil accable, c’est une gloire décomposée, c’est la joie des particules libérées de toute nécessité représentative.
Il y a peut-être encore un peu de neige sur le faîte des montagnes au loin, ou est-ce seulement un dépôt de matière onirique ?
Un mur de séparation serpente entre les collines. Où est-on vraiment ? Il y en a tellement désormais, la disparition de celui de Berlin n’ayant jamais été qu’une illusion dans la progression d’une lèpre mondiale.
Achetées à Berlin, les pellicules mourantes utilisées par l’artiste murmurent en leur dégradation chimique la nature éphémère de toutes choses.
Les paysages se métamorphosent en une dernière flambée visuelle, tandis que le désert gagne, comme les ténèbres.
La minéralisation des sols fait songer à quelque exoplanète peuplée de tas de cailloux, comme autant de checkpoints extraterrestres.
Il y a des halos lumineux, annonçant une apocalypse à venir, peut-être déjà advenue.
La pellicule est rayée, le temps est une griffure, bientôt une lacération.
Il n’y a personne.
Pourtant, quelqu’un a bien labouré ce champ.
Et ces maisons blanches là-bas ?
Les images de Catherine Cattaruzza sont électriques, dystopiques, d’une nuit intérieure trouée de flashes de couleurs.
Elles relèvent du sublime, qui est, rappelle Rilke, le commencement de la terreur.