C’est la première exposition en Europe de la photographe américaine Diana Michener. “Silence me” est un itinéraire illustrant la quête obsessionnelle d’une artiste singulière qui s’interroge, comme Witkin, sur l’essence même du vivant.
A travers ses images, Diana Michener observe la mort pour comprendre la vie. Elle explique: “J’ai été stupéfaite de voir que le moi individuel était encore présent à l’intérieur du corps mort. Je crois qu’il y a là quelque chose d’inexplicable, c’est comme une vérité sainte, comme si rien ne pouvait nous soustraire à nous-même. L’âme de tout individu est inviolable.” Ces photographies de Foetus, par exemple, ne sont pas le simple constat de la mort, mais un éloge de la vie. L’artiste fait de ces êtres mal formés des héros. En les photographiant, elle leur donne une individualité, une dignité, elle en fait les protagonistes d’un miracle : “ces enfants ont tous vécu, ne serait-ce qu’un bref moment!”
Mais cette obsession, saisir l’essence de la vie, l’artiste se l’applique aussi à elle-même, dans toute une série d’autoportraits. Elle se photographie pendant trente-trois jours d’affilée au réveil, tentant de capter son vrai moi, avant qu’il ne se cache derrière son masque social.
L’univers de Diana Michener ressemblerait-il à un monde silencieux, le monde du “grand sommeil”? L’exclamation provocatrice “Silence Me” du titre de l’exposition, résonne tel un tremblement de terre, ou un volcan qui gronde…
Ses dernières images, “the Wrestlers” (les lutteurs) manifestent la même force, la même énergie dans une danse de la mort et de l’amour. Deux corps s’affrontent et s’enlacent dans une lutte où il n’y a ni vainqueur ni vaincu. Le masculin s’y oppose au féminin, la masse et la force à la légèreté et à la souplesse, le silence et la concentration au fou rire.
Diana Michener utilise la photographie comme un révélateur et dans cette œuvre où “le mort saisit le vif” surgit, à même l’image, le tragique de la condition humaine.
Jean-Luc Monterosso