Jérémie Nassif ne cache pas s’être pendant des années passionné pour la peinture, étudiant comment “ça” s’était fait. Mais son œuvre me semble aussi philosophique que formelle. J’entends par philosophique, mot qui dépasse certainement la définition que j’en donne : étude de l’être. Comment apparaît-il ? Pourquoi sa disparition ? Comment s’approche-t-il de l’autre ? Le voit-il ? Pourquoi nous touche-t-il ? Sa démarche nous montre comment naît l’émotion et son incassable empreinte dans notre mémoire. Son appareil de photo, crayon, fusain, jets d’encre, peint l’entrée en scène de ses modèles. La scène étant notre œil, ses personnages notre crève-cœur.
On ne peut s’en détacher. On voudrait tout en savoir. Ses photos ont parfois l’air d’être peintes à l’eau, eau noire et blanche, mystérieuse qui fait naître des sentiments louches. Nous avons connu pareilles torsions, étirements, contradictions, combats, déchirements du corps. La rigueur de son trait m’émerveille. Il y a chez lui une pureté, une évidence qui touchent parce que rien n’est simple quand apparaît l’être humain. L’effet est si fort qu’il efface le monde autour et presque nous-mêmes au profit de ce sacre, la grâce.
Quand on parle de photographie on oublie souvent la mise en scène, l’entrée en matière, le déroulement de l’action. Jérémie Nassif sait que si une photo peut être poème, elle reste un émoi.
François-Marie Banier