La Maison Européenne de la Photographie présente, sous le titre “Le Diaphane & l’Obscur”, une exposition que j’ai conçue comme une histoire de la diapositive dans l’art contemporain. Il semble que ce soit la première fois qu’un musée de la photographie traite ainsi de la diapositive comme photographie originale.
L’exposition réunit une vingtaine d’installations, historiques et contemporaines. Des œuvres pionnières de Man Ray, de Marcel Broodthaers, de Michael Snow, de Giovanni Anselmo, de Maurizio Nannucci, qui ont marqué l’histoire de la photographie projetée. Également des installations qui sont devenues des références contemporaines : celles de Bertrand Gadenne, Jonas Mekas, Sarkis, Giuseppe Penone, Ger van Elk, Alain Fleischer, Gérard Collin-Thiébaut, Claude Closky, Luciano Castelli, Yann Kersalé, Kimiko Yoshida…
L’idée de départ était de faire une archéologie, en quelque sorte, de l’appropriation artistique de cette technique photographique où tout dépend de la lumière, depuis la prise de vue, où elle est, comme pour toute photographie, la condition de l’enregistrement de l’image, jusqu’à la projection, où l’éclairage est la condition d’apparition de l’image.
Les premières diapositives originales que j’ai retrouvées sont deux portraits en couleurs de Hanina Bellegarde par Man Ray, qui datent de 1956. La première installation de diapositives est un carrousel de Vues de nuages de Marcel Broodthaers, qui date de 1967. Maurizio Nannucci, qui réalise de façon constante des milliers de diapositives depuis la fin des années soixante, est incontestablement un pionnier pour qui l’image transparente projetée constitue un matériau puissant de son art et un des ressorts pertinents de ses recherches sur la lumière. Quant à Bertrand Gadenne, il fait de l’intangibilité de l’image transparente l’objet exclusif de son art depuis vingt ans. Aujourd’hui, il est sans doute l’artiste qui maîtrise le mieux et avec la plus haute pertinence le dispositif de la projection. Il a notamment conçu le glissement de petits poissons le long de la vitrine sur rue. Pendant la nuit, le passant voit la MEP transformée de ce fait en aquarium géant.
L’exposition est donc l’occasion de faire valoir la spécificité de la photographie transparente, dont l’image quasi immatérielle, presque virtuelle, n’acquiert d’existence que par la lumière. La fragilité du support quasi intangible de la diapositive confère à l’image ce caractère de simplicité et d’enchantement si caractéristique de la projection.
Tout l’art de la diapositive tient à la modestie de cette technologie qui s’appuie sur la seule présence de la lumière. Par-delà sa sobriété technologique, la diapositive offre une manifeste continuité avec les nouveaux médias, dont les images sont également faites par la lumière. Par-delà la sobriété technologique de la diapositive, il existe une continuité manifeste, une homologie étrange entre l’image projetée et les nouveaux médias, dont les images sont également faites par la lumière. Les images numériques sont calculées à la vitesse de la lumière, tandis que les images projetées qui opposent leur vertu diaphane à la matité aveugle se laissent traverser par la lumière.
Au total, la véritable matière de la diapositive est la lumière, qui rend visible l’image en la matérialisant de façon immatérielle. Sans la projection, l’image diaphane de la photographie transparente demeure intangible. Sans la lumière, l’image transparente est abolie, elle demeure effacée dans une nuit obscure et invisible. En ce sens, l’image projetée ondoie entre immatériel et virtuel, entre intangible et invisible, effacement et disparition, apparence et disparition.
Jean-Michel Ribettes,
commissaire de l’exposition.